Tous les morts d'hier...

16 août 2013

Bien sûr, tout le monde s'en fout des rêves des autres. Mais, cette nuit, c'était un peu particulier. Sans avoir été invités, il y avait chez moi tous les morts d'hier. Famille, amis, etc. Ils avaient l'air de s'amuser. On a frappé à la porte. Une dame s'est présentée en me disant qu'elle faisait partie de la sécurité sociale. Puis-je entrer ? C'est que, j'ai des invités... Ce n'est pas grave, monsieur, je ne serai pas longue, rassurez-vous.

Voyez-vous, monsieur Orban, nous avons calculé que, à partir d'aujourd'hui, vous coûtiez plus à la sécurité sociale, vous avez dépassé votre quota. Je ne comprenais pas. Ce n'est pas grave, dit-elle, veuillez prendre place ici. Elle me fit m'installer dans une sorte de housse en plastique, un grand sac de couchage, avec une longue fermeture éclair sur tout le périmètre. Ce ne sera pas long, ne vous inquiétez pas. Elle m'offrit un chewing-gum. Ça va vous endormir un peu, mais ça ne fait pas mal. Autour de moi, les morts d'hier s'amusaient de plus en plus. Il y avait aussi quelques vivants d'aujourd'hui. Il me fallut quelques minutes avant de comprendre que cette housse était de celle dans laquelle on emballe les cadavres dans les hôpitaux. La même que celle que j'avais vue l'an dernier se refermer sur ma voisine aux urgences.

La dame n'était pas méchante. Simplement clinique comme une assistante sociale qui fait son boulot. C'est une nouvelle loi, me dit-elle. Dès que vos remboursements pour soins dépassent vos cotisations versées durant toute votre vie, nous sommes obligés d'agir ainsi. En plus, vous voyez les économies que notre pays peut faire. Une fois l'opération terminée, ziiiiip, on referme le sac, on évite les frais de pompes funèbres, c'est du win-win. Au moins, elle avait de l'humour. Elle était obèse et hideuse, avec des pis pustuleux et verts qui lui descendaient sous les genoux. On aurait dit qu'on lui avait posé un fer à repasser brûlant sur la joue gauche et son semblant de sourire me faisait voir une série de dents cariées. Ça ne fait pas mal, monsieur... Le chewing-gum ne cessait de gonfler dans ma bouche, devenait comme une sorte de plâtre de plus en plus solide. Les morts d'hier, mais aussi ceux de demain s'amusaient beaucoup. J'étouffais de plus en plus. Je me suis réveillé en bondissant du lit...

J'étais en nage. La bâtarde est venue ronronner contre mon visage. Bon, maintenant que c'est presque la fin, il faut que je songe sérieusement aux formules d'adieu.

Sur la nécrologie : Il a plu à Joseph de rappeler son semblant d'âme.

Sur la tombe (s'il y en a): Ouf ! Enfin...

Et, tout le reste, je m'en fiiiiiiiiche...

Mais, bordel de merde, ils me font chier, les médecins. Leur avc promis, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? Pour ce soir ? Ah, ok, je signe des deux mains alors... Vous êtes pires que les monsieur météo... Allez ! Coupez ! De toute manière, il n'y a plus de courant, alors...

Posté par josephorban à 16:13 - Commentaires […] - Permalien [#]