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Liège, hélas
10 août 2013

Ce soir, je bois...

La semaine dernière, un ami, j'en ai aussi, me demandait si je ne regrettais rien de ma vie. Non, rien, sinon d'être sorti du cloaque de ma mère, mais je pense qu'aucune femme, après avoir accouchié, n'a jamais vu le fruit de ses entrailles se pendre au cordon ombilical. Alors, à part ça, je ne regrette rien. Oui mais, me dit-il un peu flatteur, avec le talent que tu as, t'aurais pu viser autre chose. J'ai souri. Viser quoi ? T'as jamais eu de fric, t'as toujours vécu sur la corde raide. Et alors ? Plus elle est raide, plus on est conscient qu'elle va casser. Le fric ? Je m'en suis toujours foutu. J'ai jamais couru après. Tu sais, lui ai-je dit, dans ma vie, j'ai toujours eu la chance de faire ce que je voulais, c'est-à-dire le moins possible. À part quelques malheureuses parenthèses de trois ou quatre années où j'ai dû m'esclaver pour des ordures de patron qui me payaient comme une merde, quand ils daignaient me payer. Toi, ça fait trente-cinq ans que tu fais le même boulot. Autant d'années à voir les mêmes gueules. T'en as pas marre ? Si, depuis plusieurs années déjà. Bon, d'accord, tu as ta femme, ta maison, ta voiture, ton mois de vacances, dans quel ordre, je sais pas. Mais j'ai besoin de mon mois de vacances, me dit-il en souriant. Ce qui voulait tout dire quant à sa femme. Et quand tu reviens de vacances, d'un pays lointain dont, finalement, tu ne connais rien d'autre que les images du Routard, tu retrouves quoi ? Ton boulot, ta maison, ta voiture et, éventuellement ta femme. Là, il a ri de bon coeur, comme s'il avait vu que j'avais vu quelque chose qu'il ne voulait pas voir. Je n'ai pas insisté. 

Je sais, j'ai été aussi con que lui. C'est pas évident d'admettre, même si on le pressent très vite, que les heures supplémentaires qui expliquent les absences d'une ou deux heures d'abord, d'un week-end ensuite, voire d'une semaine, ne se passent évidemment pas au bureau...

Bon, qu'est-ce que bois ? N'importe quoi, me dit-il. Je peux loger chez toi, cette nuit ?

Le lendemain, quand il s'est levé, j'ai bien vu à ses yeux qu'il avait pleuré plus que toute sa nuit. J'ai rien dit. Je sentais qu'il n'était pas encore capable de parler. Il m'a juste dit : "oui, je sais, Joseph, j'ai une maison, une voiture, un boulot que j'aimais bien, mais j'en ai marre"... Il ne m'a rien dit sur sa femme. 

D'ici un an ou deux, peut-être moins, peut-être plus, il débarquera sans rien dire pour me dire que la procédure de divorce est entamée. Je lui demanderai pourquoi il avait un jour senti le besoin de se marier. Il aura sans doute des envies primaires de meurtre, je lui dirai de laisser tomber, que si j'avais dû abattre tous les amants de mes compagnes, Robermont compterait un hectare de superficie en plus. Au moins. Bon, lui, ce sera un peu différent. Ce sera une première. À part quelques flirts adolescents et malhabiles, il n'a jamais connu d'autres femmes. Alors, ça tombe sans doute plus dur qu'à vingt ans. 

Ça me fout le bourdon. Alors, ce soir, je bois, même à toutes les femmes que j'ai connues, sauf à celle qui, voici long longtemps a fait semblant de bien me vouloir...

http://www.youtube.com/watch?v=-T69I2aj-4I

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Commentaires
F
Que voilà un texte lucide..<br /> <br /> Enfin, comme tous les autres.
Liège, hélas
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