La solitude, Barbara
Je vais sans doute étonner tous ceux et tous ceux qui me reprochent ma misogynie: j'ai toujours trouvé la chanteuse Barbara très belle. Oh, pas d'une beauté à la Kristel, du genre à exposer premier quartier, dernier quartier et pleine lune sur les affiches de ciné. Non. Il y avait chez elle, la beauté du regard. C'est important le regard. Il y a des mecs qui regardent d'abord les seins, les fesses, qui imaginent le con. Moi, ce que je regarde d'abord chez une femme, ce sont ses yeux et puis ses mains. Le reste n'étant même pas littérature.
Et dans les yeux de Barbara, il y avait cette lueur profonde qui vous efface tous les défauts physiques plus sûrement que tout maquillage. Je ne l'ai jamais rencontrée de ma vie mais je suis certain que j'aurais pu tomber amoureux d'elle dans la seconde, tout comme j'étais tombé amoureux de Nathalie Sarraute un midi qu'elle m'avait invité à prendre un café ave elle. Mais revenons à Barbara. C'est une histoire que m'a racontée Jacques Izoard...
Dans les années soixante, Barbara était venue donner un concert à l'Opéra de Liège (oui, il y a un opéra à Luik). La soeur de Jacques, Francine, était allé la voir. Il y avait, selon Jacques, ... une dizaine de personnes au concert!. Malgré tout, la chanteuse avait chanté. À la fin du spectacle, Francine était restée devant l'entrée des artistes, espérant la voir. Elle l'avait vue et aurait bien aimé l'aborder, lui dire un mot, peut-être deux. Mais, sans doute intimidée, elle avait laissé la longue dame brune s'enfoncer seule dans la nuit liégeoise.
Elle a été bête, ma soeur, me disait Jacques. Elle aurait dû lui parler, l'inviter à prendre un verre. Je sais pas, mais on ne laisse pas une artiste seule dans la nuit liégeoise.
Il avait raison. D'autant que les nuits liégeoises sont encore plus noires que les nuits d'ailleurs...