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Liège, hélas
4 août 2013

Quand on n'a pas d'amour...

J'avais 14 ans et beaucoup de poussières. Je faisais semblant de poursuivre des études à l'Athénée de Herstal qui me semblait un paradis auprès du pénitencier de Saint-Quirin à Huy et de ses prêtres dont la robe sentait l'urine rance et l'haleine la promesse de cadavre.

J'avais dans ma classe à Herstal,un bon copain des quatre cents coups. On était, avec le temps, devenus docteurs ès chambard sans jamais se faire prendre. Jamais un point de discipline retiré. Non, on était polis. On n'a jamais insulté un seul prof. Notre méthode était simple et efficace. Dans les cours qui nous emmerdaient (autant dire, tous), on posait des questions idiotes aux profs. Ça les obligeait à dévier de leurs cours routiniers et, nous, on n'avait presque pas de matière pour les examens. Du win-win avant la lettre en sorte. En fin d'études, il y avait un oral de physique. Cours que, vous vous en doutez, je suivais avec passion. Le prof était un géant par la taille et avait la réputation d'être plus que sévère. On entendait les mouches bouger autour de nos baîllements. Je fus un des premiers à passer l'oral. Tout étonné que le prof connaisse mon nom. Dites, Orban, je vais d'abord vous dire une chose. Je sais parfaitement que vous et votre ami Michel, vous n'en aviez strictement rien à foutre quand vous me demandiez pourquoi les oiseaux ne mouraient pas quand ils se posaient sur les fils électriques. Deuxième chose, avec toutes vos question pas si idiotes que ça, je tiens à vous remercier: ça fait vingt ans que j'enseigne la physique, vingt ans que je m'ennuie, mais, grâce à vous, je viens de passer ma plus belle année. J'attendais le vendredi avec impatience en me disant qu'est-ce que ces deux imbéciles vont encore me poser comme question. En tant que prof, je ne pouvais pas me permettre de rester le bec dans l'eau. Mais, Monsieur, pourquoi le ciel est bleu et pas rouge ? C'est vrai qu'on s'en foutait complètement. Mais, Monsieur, on dit qu'il n'y a pas deux cristaux de neige semblables... il y a déjà quelqu'un qui a vérifié ? Comment vous expliquez ça ? Alors le grand Yves levait les yeux au ciel. Prenait sa craie et expliquait. Toutes les autres classes avaient une cinquantaine de pages à étudier et nous, la matière pouvait tenir sur un ticket d'autobus. Quand on le payait.

Je vais vous dire une chose, Orban, je dirai la même chose à votre ami. Pas la peine que je vous demande de m'énoncer la loi de Newton, vous ne la connaissez sans doute pas. J'ai tort ? Non, Monsieur. Eh bien, pour vous remercier, non seulement je ne vais pas vous poser la moindre question, mais, en plus, je vous mets à tous les deux 18/20 !

Comme quoi, c'est pas bien difficile de réussir son examen de physique.

À quatorze ans, Michel était fanfaron comme on peut l'être à cet âge. À l'entendre, il avait déjà baisé une bonne centaine de femmes. J'eus la preuve, quelques années plus tard qu'il était tout aussi puceau que moi qui allais devoir attendre la vingtaine avant de voir de mes yeux que l'entrejambe d'une femme n'était pas vraiment pareil au mien.

Michel était un gars d'une grossièreté rare. Mais une grossièreté tellement grossière qu'elle en devenait drôle. Le gamin avait des avis péremptoires sur les filles. Il y en avait plusieurs espèces terribles. D'abord, la fille qui , après la première danse du bal, ne se laissait pas tout de suite enculer dans les toilettes. Ça, Michel, il pouvait pas supporter. Il y avait aussi celles qui ne suçaient pas et, pire encore, qui n'avalaient même pas. Des pareilles, disait-il, à moins de vouloir te faire chier toute ta vie, autant te branler avec un tampon jex, ça fait moins mal. Sur ce dernier point, je m'étais dit qu'il parlait d'expérience. Faudra peut-être que j'essaye un jour.

Mais il avait surtout une sourate gravée en or massif sur son front. Surtout, Joseph, ne dis jamais à une femme que tu l'aimes. Moi, je ne l'ai jamais fait (et pour cause) et je ne le ferai jamais. Je dois dire qu'à l'époque, cette phrase m'avait bien plus choqué que tous ses autres propos outranciers. Il faut dire que j'étais plutôt du style fleur bleue (si, si, je vous jure) et croyant à l'amour éternel et fidèle jusqu'au bout des ongles incarnés. Pourtant, Céline avait déjà écrit que l'amour était l'infini à portée des caniches. 

Quarante ans plus tard, je dois bien dire que Michel avait raison. J'ai eu le malheur de dire "je t'aime" à quelques femmes, disons, cinq six, au grand maximum. Et encore. Autant leur donner tout de suite le sésame pour leur faire quitter les lieux sur le champ.

Notez que ce n'est pas le propre des femmes. Aujourd'hui, si par malheur, une femme venait me dire "je t'aime", je prends mes jambes à mon cou et je rejoins le Pôle Nord vite fait...

Michel, je sais que tu ne lis pas mon blog, mais je voulais te dire que tu avais raison. Bon, il ne me reste plus qu'à attendre la mort. Elle, au moins, je pourrais lui dire cette phrase. Au moins, elle m'ouvrira les bras...

Tout le reste n'est que canichitude...

Allez, pour finir sur un mode plus léger, une petite chanson légère... Du temps où j'étais imbécilement fleur bleue...

http://www.youtube.com/watch?v=IsjTVdpM5iM

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