Les amours d'enfant

Je taquine parfois ma fille qui n'a pas encore dix ans en lui demandant des nouvelles de ses amoureux. Pas de ses amoureuses parce qu'elle m'avait répondu "hé, dis, papa, je ne suis pas gay, hein". Elle m'avait déjà fait rire en me disant que c'était fini avec Untel parce que c'était un gros con. Plus récemment, je lui ai demandé des nouvelles d'un Autretel. Hé, dis, papa, celui-là, ce n'était qu'une amourette de vacances hein! Elle déteste cela, mais je n'avais pas pu m'empêcher d'éclater de rire. Ah bon? Une amourette de vacances? Je me suis quand même retenu de lui dire: "toi, ma vieille, tu n'as pas encore fini de faire chier les mecs". D'abord parce qu'elle ne comprend pas que "ma vieille", c'est ma manière de lui dire que je l'adore.

Mais il y a une taquinerie qu'elle déteste plus encore, c'est quand je lui dis que, samedi prochain, on mangera avec ma nouvelle amoureuse. Là, elle décolle plus vite que la fusée Saturne en direction de la Lune. Du style femme en colère. Pas besoin de vous faire un dessin. Papa, je n'ai pas envie de te voir avec une femme qui te prendrait dans ses bras, t'embrasserait en te disant mon amour je t'aime.

Mais, depuis quelques mois, elle a un peu dévier sa route, à gauche ou à droite, je ne sais pas. Mais, papa, comment ça se fait que tu vis toujours seul? Bon, comme c'est une petite fille et donc une future femme, je vais quand même pas lui dire, comme je le dis depuis dix ans aux amis ou aux amies que je préfèrerais encore enculer une phacochère plutôt que de laisser entrer une femme dans mon étable. Au risque, en plus de m'entendre demander c'est quoi une phacochère?

N'empêche que sa question revient de plus en plus souvent. Il y a quinze jours, trois semaines, elle me dit: "papa, j'ai réfléchi l'autre jour, si t'avais une amoureuse qui s'appelle Véronique, et bien, je ne serais pas trop fâchée". Ah bon! Pas d'autre prénom? Non. Et tu crois que ça se trouve comme ça, n'importe où, des Véroniques? Ben il y a déjà ma voisine et puis, tu te souviens de ta voisine? Elle s'appelait comme ça aussi, elle était gentille. Je ne dis pas, mais elle a déménagé. Loin. Oui, c'est vrai. Et Véronique, ma voisine... Elle éclate de rire, là, je crois que maman râlerait à crever. J'imagine. Surtout que, jadis, quand je pouvais encore me livrer à de coïtales activités, j'avais plutôt tendance à feuler comme un chat devant sa première chatte.  Ce qui, aujourd'hui, rendons grâce aux démons du paradis, est devenu impossible. Rendons grâce aussi au diabète.

Bon, Elise, tu sais ce que c'est la science-fiction ? Oui papa, c'est des histoires qui se passent dans le futur. En l'an trois mille. Très bien. Eh bien, Elise, on disait qu'on était en l'an quatre mille.

Et puis, lui dis-je, Véronique c'est... Oui, je sais bien, il y a une petite fille à l'école, tous les mecs se moquent d'elles en chantant Véronique qui rit... Et alors? Ça te fait rire? Ben, c'est pas gentil, mais oui, je sais bien ce que ça veut dire, hein, je suis pas conne.

Purée, les enfants. Quand je pense qu'à quinze ans, je ne savais même pas que les filles n'avaient pas la même chose que moi entre les jambes. Faut dire qu'à cet âge-là, si j'avais dû me faire soigner cette chose, j'aurais dû prendre rendez-vous chez un entomologiste.