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Liège, hélas
13 décembre 2011

Mardi 13

Au Mexique et (je pense) dans les pays hispanophones, le mardi 13 est l'équivalent de notre vendredi 13. Un jour où il ne fait pas bon sortir au risque de croiser un chat noir, de passer sous une échelle, etc.

Ce matin, c'était un bon temps pour les éoliennes et les vendeurs de parapluies (d'autant qu'ils se brisaient en moins de deux). Mais j'avais rendez-vous avec un ami montois que je n'avais plus vu depuis quatre ou cinq ans. On se revoit donc au Delft de la place Cockerill peu avant midi. Le temps d'un verre et d'un petit grignotage. Vite fait bien fait car il devait donner un cours "de l'autre côté de l'eau" comme on dit ici. On se quitte donc peu après 13 heures.

A-t-on déjà vu un Liégeois courir dans les rues? Sans doute, mais c'est rare. Là, ils étaient des dizaines, des centaines, comme une déferlante venant de la place Sain-Lambert distante de quelque 500 mètres. Puis, tout de suite après, ce furent les sirènes, par dizaines. Le quartier bouclé en quelques minutes. Impossible de sortir. Je dois avouer, moi qui ne les aime pas trop, que les flics (papa, on dit keuf maintenant) ont fait preuve d'un grand calme et d'un étonnant sang-froid. Il faut dire que, eux aussi, devaient faire face aux rumeurs les plus diverses. Je cite, en vrac, attentat à la bombe, fusillades, quatre terroristes armés jusqu'aux dents, un mort, puis dix, personne ne savait. Ni les gens, ni les flics, pardon, les keufs. Le choeur des sirènes hurlantes ajoutait à la panique. On disait même qu'il y avait cinq blessés graves dans la rue Saint-Paul à quelques mètres de là. Ce qui était totalement faux. À côté de moi, planté sous la pluie de plus en plus drue, un jeune Arabe regarde le ciel et s'écrie: "Oufti! Les hélicos, ça doit être grave"! Ça m'a fait sourire le "oufti". C'est une expression passe-partout typiquement liégeoise. 

Quatorze heures, le barrage est levé. Je dois aller rechercher la petite à l'école. Il pleut de plus en plus fort. Je ne sais toujours pas ce qui s'est passé. La panique a disparu. L'esprit "lîdjeux" reprend ses droits. Je croise plusieurs connaissances qui me demandent "alors, tu es parvenu à leur échapper"? D'autres reprennent le slogan local "Passe par Liège, on fait la fête"... 

Les bus ont pris du retard. Plus que de coutume. Je sens la crève qui monte qui monte le long de mon échine. J'arrive beaucoup trop tôt à l'école. Il n'est pas encore quinze heures. Mais bon, je décide d'entrer pour me réchauffer. Je trouve porte close. Une institutrice vient voir. Les institutrices ne m'aiment pas beaucoup parce que je les appelle Madame et que je les vouvoie. Je devrais les tutoyer et leur dire Jacqueline. Tous les enfants (je pense qu'il y en a plus de 400) sont dans la salle des fêtes. Serrés comme des sardines dans une boîte. J'ai d'autant plus de mal à retrouver Elise qu'elle est emmitouflée dans son gros manteau d'hiver. L'institutrice me dit que je peux la reconduire chez moi, même s'il n'est pas 15 h 30. Je vois bien que l'Hirondelle a peur. Elle est livide. Je la connais quand même, vu son imagination, je me dis que ça doit faire deux heures qu'elle est en train de penser que les "quatre bandits" vont venir à l'école et tirer dans le tas. Je lui dis de ne pas avoir peur car les Dalton (on parlait alors de quatre terroristes) avaient été arrêtés. Mais, papa, les Dalton,c'est dans Lucky Luke, ici, c'est pour du vrai. Pas la peine de lui demander de faire le petit kilomètre jusqu'à chez moi. Tu veux rentrer chez maman, non ? Oui, papa, je peux? Evidemment, tu peux. Et quand tu arriveras, tu feras un gros pipi, d'accord? D'accord papa. 

Elle vit tout près de l'école. Sa mère est étonnée. Elle n'était pas au courant de l'événement. Je regarde les grands yeux bleus d'Elise se remettre à briller. Ouf, elle a échappé aux bandits...

Aux dernières nouvelles, il n'y aurait eu qu'un seul tireur. Une soixantaine de blessés, quatre morts, dont lui. On ne connaîtra donc jamais le "mobile" de son acte.

CONNARD !

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Commentaires
R
► « Au Mexique et (je pense) dans les pays hispanophones, le mardi 13 est l'équivalent de notre vendredi 13. »<br /> <br /> ■ Exact. En Espagne, la valeur néfaste du vendredi (jour de la crucifixion) est reportée sur le mardi, jour de Mars. ("Marte", según la mitología, es el Dios de la guerra, por lo cual el día martes está regido por el planeta rojo, el de la destrucción, de la sangre y de la violencia. Además, la leyenda dice que un día martes 13 se produjo la confusión de lenguas en la Torre de Babel... )
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