Tout le désespoir du monde
L'autobus 23 est majoritairement pris par des malades qu'il dépose à l'hôpital de la Citadelle. J'en faisais partie hier. Monte un couple accompagné de deux jeunes enfants. La mère est taiseuse, le père du genre bavard à la voix qui porte loin. Il ne faut pas deux minutes pour que tous les voyageurs apprennent qu'ils s'appellent Wendy et Andrew (prononcez Wendè et Androue). Qu'ils ont quatre et trois ans, la mère vingt et le père quarante. Le père a de l'humour. Il tient à préciser que ce sont dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes. Et que sa marmite à lui, à quarante ans est increvable. La preuve, il y en a un troisième en route. Les deux enfants viennent s'asseoir en face de moi. On dirait qu'ils portent sur leur visage tout le désespoir du monde. Pas un seul sourire et leur regard est tellement vide et lointain que leurs yeux semblent ne pas avoir de couleur. Wendèèèè ! Arrête un peu de mettre tes doigts dans ton nez ! Androue ! Reste trankil ! Je n'ose imaginer la vie du troisième...