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Liège, hélas
7 avril 2011

Quarante ans

Je sais, c'est un gros cliché que de dire que le temps passe vite...

Ce jour d’hui, il y a tout juste quarante ans que papa est mort. Je sais, à mon âge, cela fait un peu débile d’écrire « papa ». Mais, je n’ai jamais eu l’occasion de l’appeler autrement, de me rebeller contre lui, de dire que mon père me faisait chier, etc. À l’époque, je rampais vers mes quatorze ans tandis que lui galopait vers la septantaine qu’il n’atteindra jamais.

 Il est donc mort un sept avril. Comme le singe de Ferré, trois ans plus tôt. Ses mains n’étaient pas comme des raquettes, mais plutôt comme des truelles. Et ses yeux étaient loin d’être des lucarnes, il les avaient fermés six mois après ma naissance. Il aurait pu être mon grand-père, j’aurais pu l’appeler Pépé. Comme le singe de Ferré, le e final en moins, mais je l’ai toujours appelé « papa ». Même quarante ans plus tard. Je l’ai toujours connu malade, souffrant, agonisant. La première fois, j’avais six ans. Je dis toujours que c’était un matin d’hiver, mais je ne me souviens plus de la date. C’était un matin d’hiver car il faisait froid dans la cuisine. Or, il se levait toujours une heure avant tout le monde pour faire le feu. Il faisait très froid lorsque je l’ai découvert sur le sol avec la bave aux lèvres qui me disaient d’appeler le docteur. J’ai appelé le docteur. Puis j’ai dérangé ma mère dans son sommeil pour lui dire que papa n’était pas bien.

Pourtant, à l’époque, je l’appelais encore « maman »…

Trois ou quatre jours avant sa mort, ma mère est venue m’éveiller en pleine nuit. Vers deux ou trois heures du matin, je ne sais plus. Elle venait me prévenir que le médecin était passé et qu’il avait fait une piqûre définitive. Dans ce genre de circonstances, ma mère adorait vouvoyer. Levez-vous et allez veiller votre père. J’ai passé le reste de la nuit à lui tenir la main. À lui sentir le pouls de plus en plus faible. À le supplier, entre deux larmes de respirer encore. Il ne respirait plus que toutes les dix secondes, toutes les minutes… Et j’étais seul, près de lui, complètement perdu, entendant les ronflements de ma mère dormant du sommeil de l’injuste…

Puis, le soleil s’est levé. Et, comme par miracle, la peau du vieil homme s’est réchauffée. Il m’a appelé « mi p’ti fî ». Il reparlait. Il survivra encore trois jours. On m’a rappelé dernièrement que, en se levant, ma mère s’était offusquée de le voir encore vivant. Comment, il n’est pas encore mort ? En wallon, ce qui était plus abject encore. Mais, de cela, je ne m’en souviens pas. On a beau avoir une mémoire d’éléphant, il arrive que les éléphanteaux ne se souviennent pas de certaines choses…

Je ne l’ai pas vu mourir. Je l’avais vu tellement de fois moribond que je le croyais peut-être immortel. Ma sœur m’avait envoyé chez le coiffeur. Je ne sais pas pourquoi, sur le chemin, j’avais acheté quelques feux d’artifices. Quand je suis rentré, c’était fini. Etait-ce par délivrance que, tout de suite après, je suis allé faire exploser les fusées dans le bois ? Je ne sais pas, mais cela m’avait fait du bien. À moins de quatorze ans, on ne sait pas encore ce qu’est la mort…

J’ai longtemps cru que ma mère était la femme la plus méchante et la plus mauvaise du monde. Papa me disait toujours que même les plus grands champions finissaient par trouver leur maître. J’ai cru cela jusqu’au 19 décembre 2002.... Ce jour où, soudainement, à cause d'une autre "femme", ma mère avait soudainement pris l'allure d'un ange.

Et, aujourd’hui, si je ne vomis pas dans les avaloirs chaque fois que je croise une femme, c’est parce que j’ai trop de respect pour les bouches d’égout…

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L
Combien d'souffrances sur cette putain d'terre, de souffrances transportées d'année en année...<br /> "Le temps passe vite","Les années filent à toute allure". Oui, oui, et la malle que tu trimballes comme un boulet n'en finit jamais de te ralentir. Personne pour te la garder à la consigne. Tu la jetterais bien dans une bouche d'égout... mais pas assez large! Et sur la gueule d'une femme tiens, ça ferait tout son effet. Remarque, il te reste toujours tes enfants à qui refourguer tes vieux vêtements sales et puants. Et avec un peu d'chance, si tu parviens à te glisser dans la haute sphère et à te créer un réseau de mulets, tu pourras même étendre tes affaires dans tout l'pays.<br /> Combien d'souffrances sur cette putain d'terre! Et jamais personne pour t'aider. Ce boulot, c'est à toi qu'il revient. Et si tu n'le fais pas, t'en payes le prix fort.<br /> Ca fait cliché mais... comme le temps passe trop vide!
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