Eloge de la paresse extrême

Lorsque j'étais enfant, je ne comprenais pas pourquoi les ouvriers dont on venait de fermer la mine faisaient grise figure. Naïvement, je me disais "quelle chance, ils n'iront plus travailler".

Mon père qui, cette année, aurait eu 107 ans, est descendu dans les puits à douze ans. Puis il devint soudeur. Un bien noble métier qui finira par le rendre aveugle six mois après ma naissance. Autant dire que j'eus tôt fait de considérer le travail, tant manuel qu'intellectuel, comme la chose la moins intéressante et la plus inutile du monde. Impression qui ne fit que s'accentuer lorsque je fus contraint de plonger dans ce monde insalubre. Car, même dans un bureau, sans col blanc, ni cravate, l'air s'avère très vite vicié. L'atmosphère très vite irrespirable et la fiche de paie fort peu gratifiante. Même quand elle arrivait. Ce qui ne fut pas toujours le cas. Loin de là même. La pratique devenant de plus en plus courante.

Je me suis toujours contenté de peu. Un peu de pain, quelques olives, tout le reste est superflu. Même si le reste, parfois, ça peut paraître chouette, il n'en est pas moins toujours éphémère. Et n'en vaut donc pas trop la peine.

Je survivote donc avec ma solde chômagienne qui, contrairement à ce que le vulgaire (au sens étymologique) persiffle, n'offre aucun privilège. Même pas celui du bus gratuit. J'ignore où l'on est allé chercher cette rumeur qui a la vie dure. Il paraîtrait aussi que l'on a des avantages. Tant mieux. Même si j'ignore lesquels.

Ah oui, si. Celui de pouvoir examiner le monde et de le regarder tourner en eau de boudin hormoné. Chose que les travailleurs ne peuvent faire, tout angoissés qu'ils sont par le stress de l'ennui et des fins de mois du premier jeudi.

Vive donc la paresse extrême ! Mais, ne nous y trompons pas, être extrêmement paresseux est chose fort éreintante. Cela demande une attention de tous les instants. Ne serait-ce que pour ne pas faire un pas, un geste qui ne serait pas nécessaire...