Dérives d'anecdotes

La dernière fois que j'ai été en contact avec un journaliste remonte à une dizaine d'années. Une dame dont je n'avais jamais entendu parler et qui était chargée de faire une critique d'un de mes opuscules. Elle ne l'avait pas lu mais "son" article devait paraître le lendemain. Elle me pose une première question au téléphone. Mais, Madame, ce que vous me demandez, c'est de faire votre travail si je comprends bien ? J'avais raccroché. Dois-je préciser qu'il n'y eut aucun article dans le journal ? Ce dont je me fichais éperdument. C'est aussi pour cela que j'aime bien Le Clézio. Comme tous les autres artistes qui n'ont pas besoin des feux cathodiques pour exposer leur chemise blanche et leur semblant d'idée. Ou, quand on n'a ni chemise blanche, ni idée, leur chapeau en forme de poire pourrie. Je ne sais pas pourquoi, Le Clézio m'a conduit à penser à Jacques Izoard. C'était il y a bien longtemps de cela dans le défunt Cirque Divers. Nous parlions de choses et d'autres. Je lui racontais que j'étais bien embêté car j'avais reçu un manuscrit d'un jeune écrivain me demandant mon avis, comme si je pouvais avoir un avis. Oh ! me dit Jacques, moi, j'en reçois très souvent. Des lettres aussi. Je lis toujours tout et je réponds toujours. Si c'est intéressant, je mets un mois à répondre. Si c'est vraiment nul, je réponds par retour du courrier. Nous reprîmes une bière. À ce moment, entra un artiste qui se précipita vers Jacques, l'embrassa chaleureusement en disant : - Oh, Jacques, merci beaucoup, ça m'a vraiment fait plaisir, je t'ai écrit lundi, on est mercredi et tu m'as déjà répondu. Le garçon doit toujours être en train de se demander pourquoi, de concert, nous avions failli avaler notre bière de travers...