Blessures d'anamour

Dans son autobiographie, Jean Rochefort dit que, dans le ventre de sa mère, il souhaitait qu'elle fasse une fausse couche. Dans un de ses livres, Violette Leduc écrit que sa mère ne l'a jamais prise par la main. Je mentirais en disant que ma mère ne m'a jamais pris sur ses genoux. Mais c'était toujours dans des conditions spéciales qu'elle le faisait. C'est difficile à expliquer.

Elle m'engueulait pour des motifs futiles. Elle ne se sentait épanouie que dans la dispute, les querelles. Je n'ai pas été un enfant battu. Non. C'était pire. Elle m'engueulait pour un soulier mal lacé, une tasse mal placée sur la table. Elle s'assyait profondément dans le fauteuil où je n'avais pas le droit d'aller et m'observais en train de nettoyer le sol. Ce n'était jamais bien fait. Bien sûr, elle avait le droit de se venger. N'était-ce pas à cause de moi qu'elle avait pris vingt kilos ? Qu'elle était devenue obèse et laide ? Elle qui était avant si belle ? Elle qui, si elle avait voulu (en avant la ritournelle) aurait pu me "faire partir", mais c'était une si bonne mère que jamais elle n'avait songé à l'avortement (du reste interdit à l'époque). Elle pouvait rester plusieurs jours sans me dire un mot. Sans même me donner le traditionnel baiser du matin ou celui du soir. Mais il y avait toujours un moment miracle. Une voisine venait papoter avec elle. Alors, ma mère me prentait sur ses genoux. C'était encore pire. Je ne savais plus où était l'amour. Où se nichait la haine.

Est-ce pour cela que, des années plus tard, j'ai toujours fait tout, consciemment ou non, pour rater mes histoires d'amour ? Je ne sais pas. Je ne voudrais pas faire de la psy de comptoir. Je n'ai jamais pensé qu'une fille, une femme puisse m'aimer. Elle ne pouvait que se foutre de ma gueule. Je le pense toujours. 

C'est peut-être pour cela que je suis une anguille sans roche...

Comments

[Michèle P]

C'est joli ça "anguille sans roche"...