Hémorroïdes
Ça faisait longtemps que mon ami Legros Jules n'avait plus fait sa crise d'hémorroïdes. Et diable sait si ça fait mal quand il fait froid. Voici ce qu'il m'envoie comme commentaire au sujet de la Saint Nicolas :
Non seulement vous abreuvez votre fille de fariboles et autres contes de fée qui la baigne dans un monde de fantaisie bien loin de la réalité cartésienne de notre société mais en plus vous renforcer chez elle le caractère sexiste de cette même société en lui faisant jouer le rôle de la petite maman par le cadeau offert.
Peut-être vous en train d'étouffer une future carrière de menuisier, camionneur, grutier ou lutteur gréco-romain.
Rassurez-vous, gros Jules, ce n'était qu'une infime parenthèse dans sa vie. Je trouve, de fait, que les enfants n'ont absolument aucun droit à la fantaisie. Qu'il faut les plonger directement dans le bain de l'effort constant et de la réalité du monde. Pas question, ici, de livres, de films, de musiques et autre fariboles qui ne font que détourner l'enfant de notre univers. Les lois scélérates de nos démocraties étant ce qu'elles sont, je ne puis que regretter l'interdiction faite aux enfants de travailler dès qu'ils sont en âge de marcher. Ce qui m'oblige, chaque samedi que diable fait d'installer ma fille dans un coin de la ville afin qu'elle puisse mendier à son aise. Que les Liégeois ont bon coeur ! Quel spectacle ravissant, tandis que je sirote dix ou douze vins chauds, que de voir ces gens déposer qui une pièce, qui un billet dans son petit chapeau de soleil troué qu'elle garde sous sa jambe gauche. Etant entendu que j'ai noué la droite dans son dos afin d'attirer la pitié des passants. Le seul problème, c'est que je suis obligé de me lever toutes les vingt minutes pour aller ramasser l'argent tout en affrontant le froid auquel elle a la chance d'être habituée.
Certes, au bout d'une heure, après avoir pris une petite centaine d'euros, je pourrais me contenter de la reconduire à la maison. Mais, autant lui apprendre les vertus de l'effort, de l'abnégation et du travail. Je limite donc sa mendicité à huit heures sans oublier de lui rappeler qu'au dix-neuvième siècle, c'est douze heures qu'elle aurait dû faire. Qu'elle ne connaît pas sa chance. Hélas, il est temps de rentrer, il reste le ménage à faire, le repas à me préparer pendant que je fais la sieste, trop fatigué et trop ivre que je suis pour compter les billets rapportés. Il faut bien arrondir ses fins de mois, surtout quand c'est libre d'impôts.
Vous voyez, mon cher gros Jules, que je fais tout, et plus encore, pour lui apprendre que, quand elle sera grande, ce sera pire encore. Je n'aimerais pas que plus tard elle me reproche de ne pas lui avoir tout appris. Qu'elle termine comme vous qui reprochez sans doute à vos parents d'avoir étouffé votre carrière de danseuse travestie dans un gay bar...