1672 (ter)

Ce matin, je n'avais plus de pain ni de tabac. Je suis donc monté jusqu'au petit GB au-dessus de ma rue. Pour un piéton comme moi, c'est le magasin de proximité le plus proche de mon domicile. En arrivant, ahanant et en sueur, j'ai tout de suite compris. Ils et elles étaient tous là, habillés de l'imper rouge de la Setca (syndicat socialiste) et faisaient comme une tache de coquelicots hâtifs dans un coin du parking.

Ils faisaient grève. Non pas que leur magasin allait être fermé mais racheté par une autre firme qui leur offrirait un salaire diminué de 15 %, déjà qu'ils et elles ne gagnent pas lourd.

Bouteilles d'eau, thermos de café, petits sandwichs, ils et elles avaient apporté de quoi tenir le siège pour une journée. Peut-être plus.

Les caissières, je les connais toutes depuis vingt ans. Toujours fidèles à leur poste, malgré mariages, divorces, hold-ups, dépressions, fatigue physique et nerveuse (sait-on qu'au bout d'une journée de travail, une caissière aura soulevé plus d'une tonne de produits ?). J'ai même vu certaines de leurs filles devenir caissières à leur tout. Car caissière, c'est un peu comme ministre, on l'est souvent de mère en fille. Elles sont au bout de la chaîne. Ce sont donc elles qui, au mieux, reçoivent les reproches des clients qui ont remarqué une erreur de caisse, au pire les insultes de ceux qui se plaignent d'un centime perdu. Sans compter que, depuis un an maintenant, elles doivent aussi faire le facteur au point Poste. Le tout pour le même salaire. À peine 1000 euros par mois peut-être. 

C'est pour cela que j'ai toujours eu pour elles un bonjour (au début, ça les surprenait), un petit mot, une plaisanterie, une embrassade ou une fleur la veille du nouvel an. Il ne m'étonnerait pas qu'elles poursuivent leur grève plusieurs jours encore. Travail de merde dans une boîte de merde, je les soutiendrai.