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Liège, hélas
26 décembre 2008

Hé ! Monsieur Richard !

Je m'en vais parodier Léo Ferré. "Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles à certaines heures pâles de l'ennui. Devant leur gsm". Voilà bien un instrument dont j'ai beaucoup de mal à estimer la réelle utilité. Au début, j'étais un peu perplexe. Non, tu vois, j'avais pas vraiment besoin d'un gsm, mais, tu vois, comme maman est malade, là, comme ça, s'il y avait un problème, au moins je le sais tout de suite. De fait. Ça servait souvent à savoir où l'amante se trouvait, si elle vous aimait encore, si elle n'était pas avec un ou une autre. Et une fois par mois à savoir si maman avait bien pris ses médicaments. Les gsm est un peu le symbole de la pseudo philosophie du "hic et nunc" actuel. Avec tout ce que cela peut comporter de hics. Vous avez sans doute tous été témoins des gueulantes outrées poussées contre le langage sms. On y comprend rien à rien. C'est marrant parce que je connais nombre de femmes qui, sans doute frappées par l'esprit de la pentecôte, traduisaient très rapidement le message reçu par leur mari, message provenant d'une étrangère aussi humide que l'écume des chutes du Niagara déclarant en tout bien tout honneur que "tumemank, tumemank, kesstufé avek 7 konn G anvie de twa". Le plus drôle dans ce genre d'histoire extrêmement fréquente, c'est que la dame offensée, non seulement balançait le gsm à la tête du futur ex-mari mais aussi une phrase en traduction directe du style "ki c 7 putte"? Avec au moins deux t. Le point d'interrogation étant facultatif tant la réponse était évidente. Une autre caractéristique du gsm est cet étonnante composante paradoxale de la schizophrénie du secret et de l'exhibitionnisme le plus outrancier. Car, vous l'aurez sans doute remarqué, on ne se parle pas au gsm, ON CRIE. De sorte que, sans même être voyeur, on est au courant de tout, même en pleine rue. Ainsi, cet après-midi, dans l'autobus 20, l'autonef des fous de Cointe. - Dis, chou, c'est mwa, wouè, je sais, je suis ten retardmais, bon, c'était pour te dire que je suis allé t'acheter ta chaîne en or là, oui, tu sais, mais bon, hé, t'as vu le prix ? 125 euros ! 125 euros ! Putain ti ! pour une chaine. Non, chou, je voulais te dire, wè, je suis en retard, mais j'ai croisé des amis. Non, chou, t'inquiète. J'ai trouvé une autre chaîne, mais en plaqué, wè, pour 45 euros. Wè, 45 euros. Mais, kèssetabsoin que ce soit en or ta chaîne, tu crois que les gens vont aller gratter pour voir si c'est du plaqué ? Bon, chou, j'ai quand même le droit d'aller prendre un verre avec les copains. Wè, wè, j'en peux rien si je les ai rencontrés à Lantin (1). Wè, j'arrive, je t'aime, chou. Wè, chou, t'inquiète pas, je vais m'refaire, je vais m'refaire. J'peux travailler en noir où que je veux. Tu sais bien que j'ai de l'or dans les mains. Wè quoi ? Tu préfères l'or sur ta chaîne, wè, c'est ça. Wè, j'arrive, chou. Puis le type qui me regarde, ahuri... "Putain, ti, quelle conne, ti ! Je peux même plus aller me bourrer la gueule avec les copains ? Finalement, c'est bien, les gsm. Ça me permet de rire dans l'autobus... (1) Pour les lecteurs français, Lantin est la plus importante prison de la province de Liège. Overbooking garanti.
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Commentaires
J
Il y a tellement longtemps, Feuilly, que je ne m'en souviens même plus...
F
"d'une étrangère aussi humide que l'écume des chutes du Niagara" Que voilà une tournure bien trouvée pour dire pudiquement des choses qui le sont moins. Il n'y a pas à dire, on voit que vous avez été poète.
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