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Liège, hélas
23 juin 2007

Triple meurtre aux Capucins

C'est un étrange fait divers qui se déroule à Bruxelles. Je me suis toujours intéressé aux faits divers, les considérant un peu comme des virus de la société. Plus ils sont étranges, plus ils sont intéressants. Il est ici question d'un triple meurtre. On ne parle pas encore d'assassinat. Un couple et sa fille sont retrouvés les uns égorgés, la dernière éviscérée (selon la presse) dans leur boutique de tissu. Vu le peu de détails donnés sur la famille, on suppose qu'il s'agit d'une famille respectable. Or, et les enquêteurs le savent mieux que moi, il faut souvent se méfier des familles respectables dans lesquelles les plus lourds secrets sont les mieux cachés. Dans un premier temps, les analyses concluent que les meurtres ont eu lieu entre minuit et quatre heures du matin. Dans un premier temps encore, les enquêteurs soupçonnent le fils, un jeune homme d'à peine vingt ans, d'être l'auteur de ce massacre. N'a-t-il pas dit qu'au moment du drame, il était à la mer en compagnie d'amis? Ce que les relevés de son gsm démentent. Le jeune homme nie. Malgré les coupures qui lacèrent ses mains. La famille, les amis ne peuvent croire que ce jeune homme si doux soit coupable d'une telle horreur. Le jeune homme continue de nier. Il n'y est pour rien. Il était à la mer. Dans un deuxième temps, voici que les défenseurs du jeune homme élaborent une explication. Selon eux, le jeune homme serait rentré à la boutique vers 17 heures (nous sommes donc loin de minuit), il se serait trouvé face à face avec un individu encagoulé, puis un deuxième, ils se seraient battus (d'où les coupures aux mains), le garçon aurait été assommé et aurait découvert la boucherie à son réveil. On peut imaginer le choc qu'il ressent. Et, face à un tel spectacle, personne ne pourrait dire comment il réagirait. Il se rend compte qu'il ferait le suspect idéal. Toujours selon ses avocats, il décide dès lors d'effacer les traces du carnage, cela fait, il endosse le trench de son père pour cacher le sang sur ses vêtements et reprend le chemin pour la mer. Les mécanismes psychiques de défense empruntent parfois des forces insoupçonnables. Car, face à un tel spectacle, voilà une preuve de sang-froid absolument prodigieuse. Et l'on pourrait facilement dire que le scénario des avocats seraient refusés par tout éditeur de polar. Admettons, pour étonnant qu'il soit, ce sang-froid est plausible. Plus étrange est l'attitude des deux encagoulés qui se seraient contentés de mettre une gifle bien sentie au garçon après (ou avant?) s'être livrés à une véritable boucherie, partant sans rien voler et, surtout, laissant en vie un témoin privilégié. Les journaux parlent de la présence de caméras de surveillance placées non loin du lieu du crime. Il suffirait de regarder les vidéos, mais il paraît que la police n'a pas le temps pour le moment. Un peu comme si, au moment d'un incendie, avant de déclencher les tuyaux, un pompier disait: attendez, je termine ma pause-café... On me dit que si le jeune homme est vraiment l'auteur de ces crimes, il doit s'en souvenir. Pas nécessairement. Il est aussi des mécanismes d'oubli qui dépassent tout entendement. J'ignore pourquoi, mais j'ai toujours attiré les psychotiques. Peut-être parce qu'ils perçoivent que je vais les écouter. Ce sont des êtres pervers (au sens psychiatrique) absolument déroutants. Citons quelques exemples bénins. Voici près de trente ans, je vivais avec un parent qui devait souffrir de cette maladie (que l'on ne remarque pas de suite). J'étais allé rechercher de l'argent à ma banque et avais deux billets de mille francs d'alors dans mon perte-feuilles. J'étais en train de préparer le repas lorsque je le vis prendre les billets puis les mettre en poche. Je lui fis remarquer que s'il avait besoin d'argent, il pouvait m'en demander mais qu'il n'avait pas besoin de m'en prendre pour autant. Il me regarda fort étonné, se demandant ce que je racontais. Que l'argent qu'il avait en poche était à lui et que je ferais mieux de retourner à la banque pour voir si je n'avais pas oublié mes billets. Ce fut la première fois que je fus témoin d'un acte psychotique. La voix était tellement convaincante que, un moment, je me suis demandé si je ne devenais pas fou. Une autre fois, bien des années plus tard, je passais avec lui près d'une superbe aubépine en fleurs. Il la regarda et me dit que (il avait quelque temps travaillé comme bûcheron) plus jamais il ne couperait un de ces arbres depuis qu'il en avait reçu un sur le dos. Regarde, dit-il, j'ai encore plein de cicatrices dans le dos. Il enleva son t-shirt et son dos n'avait même pas la marque d'une griffure de chaton. Je pourrais citer bien d'autres exemples aussi stupéfiants. Un ami psychiatre m'a dit un jour qu'il avait renoncé depuis longtemps à s'occuper de ces patients pervers tant ils étaient déroutants à force, entre autres, de vivre leur idéalisation du réel pour la réalité. Gens qui souffrent sans répit mais nieront toujours cette souffrance en la rejetant sur les autres. Et ce avec d'autant plus de violence que l'autre est un être proche ou aimé. Bien entendu, ces diverses personnes que j'ai connues ne sont jamais allées jusqu'au meurtre. Du moins physique. Mais c'est le même système de défense qu'emploient les psychopathes. Prenons l'exemple de l'assassin présumé des deux jeunes filles enlevées l'an dernier à Liège. Il continue de nier, il niera toujours, même si on lui montrait le film de son crime. Il n'a rien fait. Il ne comprendra jamais pourquoi il est derrière les barreaux. L'emprisonnement ne fera que le conforter dans l'idée qu'il vit dans un monde de fous dont il est le seul à ne pas être frappé par la maladie. Bien entendu, on ne naît pas psychotique. Ce n'est pas inscrit dans le génome. Il y a une cause. Mais tellement enfouie, tellement secrète qu'il est plus que rare de la voir surgir un jour. C'est un peu à tout cela que j'ai pensé en m'intéressant à ce triple meurtre, tout en souhaitant bien sûr à ce jeune homme qu'il soit innocent, forcément innocent.
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Commentaires
F
Un exemple littéraire: le héros des "Bienveillantes" de Little tue ainsi sa mère et son beau-père et ne semble plus vraiment s'en souvenir par la suite. En tout cas cela ne le perturbe pas outre mesure.
J
C'est du même style.
C
dans le genre c'est plutot cette affaire (et ce qu'on ne nous en dit pas) qui me plonge dans un abyme de reflexions
J
Distraction due au fait que j'hésitais à mettre un S ou non à porte-feuilles. Le lapsus est plutôt dans la présence du pluriel.
J
Le pErte-feuilles, c'est un lapsus ?
Liège, hélas
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