Samedi, je fais pause

J'en ai un peu marre des tris en vue de mon déménagement vers mon avant-dernière demeure. J'ai décidé de donner une partie de ma bibliothèque pour que d'autres puissent en profiter. À quoi ça sert, en effet, d'avoir une bibliothèque ? Une fois le livre lu, il y a 999 chances sur 1000 que vous ne le lisiez plus. À quoi ça sert donc, sinon à vous faire paraître érudit aux visiteurs ? Autant distribuer le livre à d'autres inconnus qui se demanderont sans doute pourquoi j'avais souligné tel ou tel passage ?

Ah ! Parce que vous soulignez dans les livres ? Oui. Même dans les Pléiades (je n'en ai pas beaucoup, une douzaine, peut-être). Et alors ? Mais en tant qu'écrivain, vous devez connaître la valeur des livres !!! Justement. En tant qu'écrivain, je sais que les éditeurs contemporains n'accordent pas plus de valeur aux livres qu'ils en accorderaient à un tube de dentifrice. Vous collectionnez les tubes de dentifrice, vous ? À moins que vous ne soyez amoureux de votre dentiste.

Dans une caisse, j'ai retrouvé, mardi, une petite dizaine de manuscrits, des vrais, hein, pas des tapuscrits, de livres que j'avais commencé à écrire. Ça tombait bien, mercredi, c'était collecte des vieux papiers. J'ai beaucoup ri en les lisant. Je n'ai eu aucun scrupule à leur donner. Je me doutais bien que les éboueurs n'avaient pas le temps de les lire. Qu'ils ne viendraient pas sonner à ma porte pour me dire: "mais, monsieur Orban, vous n'allez pas jeter ça, quand même" ? Si. Et alors ?

J'ai aussi, et surtout, preque eu un orgasme en imaginant que ces mâchemots (comme mâchefers) ne pourriraient pas dans les archives de l'université de Luik. Plutôt crever maintenant, tout de suite. 

Mercredi, les éboueurs sont passés vers sept heures du matin. Ils ont fait leur travail. Je me suis senti soulagé d'un gros poids. Comme on peut l'être parfois quand, dans un évier sale, on vomit toute sa vie...