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Liège, hélas
6 août 2013

Pipi, caca, sotsot, Picasso...

Parmi mille autres, il y a une anecdote célèbre, vraie ou pas, à force d'être répétée, elle est devenue vraie, qui entoure Picasso. Un jour, une dame (Picasso était déjà célèbre) vient le trouver lors d'un vernissage et lui dit "oh Maître, je vous admire beaucoup, je voulais vous dire que mon fils, qui a cinq ans, peint vraiment comme vous". Et Picasso de répondre à cette idiote: "Vous savez, Madame, moi, à cinq ans, je peignais comme Velasquez". Ce qui était vrai.

Depuis tout petit, j'ai toujours été attiré par la peinture. Oh, de manière très minimaliste. Je n'avais comme seule référence que le petit Larousse 1964 Qui avait quand même l'audace de montrer un Manet. Qui me montrait une odalisque même pas fichue de me montrer sa création du monde. Vous imaginez le petit pervers que j'étais. Je ne le savais pas encore, mais l'odalisque de Manet arrivait à exciter ma petite virgule mise entre guillemets.

Par la force des choses, j'ai chez moi plusieurs gros catalogues de plusieurs grands musées. J'ai des partis pris, bien entendus, ce serait malheureux de ne pas en avoir. Vous allez peut-être trouver que je suis con, mais j'ai commencé à montrer ces livres à Elise quand elle avait deux ans. Lui répétant sans cesse: "écoute, tu n'aimeras sans doute pas tout du premier coup; tu ne comprendras pas tout. Mais, si tu ne comprends pas, regarde, mille fois, dix mille fois, jusqu'à ce que tu comprennes. Même si ça doit te prendre cinquante ans". C'est ça, vieux con, cause toujours, je t'emmerde. 

Il y a deux mois, Elise me dit: "papa, je suis allée voir l'expo Wassily Kandinsky à Bruxelles" ! Ah bon et alors? Papa, c'était génial, j'adore ! J'en ai eu les larmes aux yeux. J'aurais dit ça à ma mère, au mieux, elle aurait haussé les épaules, au pire j'aurais ramassé une baffe dans la gueule sous prétexte que c'était un art de dégénéré.

Du temps des dinosaures, l'art abstrait (et diable sait que Kandinsky est tout, sauf abstrait) ça valait même pas la peine d'en parler.

Arrivant en fin de vie, je commence, comme tout être humain qui se respecte, à me rendre compte que ma vie aura été d'une inutilité totale. Je n'aurais écrit qu'un seul livre, vendu à 141 exemplaires si j'en crois mon escroc d'éditeur, c'est-à-dire lu par trente personnes, dont vingt qui l'auront détesté. Mais je me dis que si je suis parvenu à faire entrer dans la tête d'entêtée (pire que moi) de ma fille que "si tu ne comprends pas, regarde, mille fois, dix mille fois... blablabla, je n'aurais pas totalement perdu mon existence.

Et si, dans quelques années, Lisou me dit, papa, j'ai lu une page d'Amélie Nothomb ou d'Eric-Emmanuel Schmidt, et je ne comprends pas, si je vis encore, je pourrais encore lui dire: tu sais, Elise, il y a aussi des gens où l'on sait, après la première phrase, le premier mot, qu'il n'y a rien à comprendre. 

Tu veux dire des gros cons, papa ? Et je ferai semblant d'être fâché en lui demandant "mais qui donc t'as appris à parler comme ça" ? Ben, c'est toi, papa. Et le sourire de Lisou effacera d'un seul coup toutes les larmes de mon monde...

Ah oui, zut, elle ne supporte pas que je l'appelle Lisou. C'est que, maintenant, à dix ans, elle est grande, hein, c'est une pré-ado. Et moi un vieux con... Et elle va pas supporter non plus que j'écrive "tu sais, ma Belle Amour, tu sais..."

Je t'aime... Mais, je m'en fous, je l'écris quand même...

 

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P
Poussières d'étoiles, rien d'autre et pourtant si belles !
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