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Liège, hélas
2 février 2013

Moi, un bon prof ? Allons, allons...

Quand je suis arrivé au Mexique, j'étais donc engagé par l'Alliance française de Guadalajara. En tant que, vu mon CV (???) responsable des activités culturelles. Pour un salaire relativement important là-bas (400 euros), un logement à ma disposition. J'ai très vite déchanté. C'était l'ancien directeur de l'endroit qui avait dû fuir vers le Texas en raison de magouilles et autres escroqueries qui m'avait promis tout cela. Le nouveau directeur m'avait tout de suite mis au courant. Mais, Joseph,on n'a pas assez d'argent pour t'offrir ce salaire, quand au logement, c'est de la pure invention, on n'a jamais pratiqué cela ici.

Je fus donc plongé dans le bain tout de suite, avec le salaire de 125 euros et huit mois à l'hôtel avant de trouver une maison. Quant à mon statut de responsable des activités culturelles, il consistait à mettre des timbres sur les enveloppes et à tirer les stencils pour les profs. Bref, ma statut était le même que celui des "mozos", les hommes à tout faire. La grande vie, quoi! Tellement grande que ça vous donnait envie de reprendre le premier avion pour Luik. Mais, bon, j'avais un billet open valable un an, alors, tant qu'à faire...

Il y avait beaucoup de profs à l'AFG. Rares étaient ceux qui avaient les titres requis. Même si on aurait hésité à engager certaines comme techniciennes de surface ou certains comme laveur de vitres dans un car-wash, du moment qu'ils parlaient français, même avec l'accent de Marseille, c'était bon.

Un jour, une de ces proffes (ben quoi? on peut dire cheffe) me demanda de la remplacer pendant une semaine. Elle devait partir à Mexico (déèffé comme ils disaient) et ne pourrait donner ses cours à l'école de secrétariat non loin d'où je logeais? Pourquoi pas? Ça me changeait déjà des tirages de stencils. 

Problème, si je comprenais, un peu, l'espagnol, je ne le parlais pas du tout. C'était une école pour filles et celles de la classe que l'on m'avait confiée avaient seize ans. L'école avait l'air aussi sympathique qu'une prison mexicaine. Les cours commenaient à huit heures et cinq minutes avant, on cadenassait la barrière d'entrée. La veille, j'avais dû parler avec la directrice. Elle parlait un peu français, mais mieux que moi espagnol. Monsieur, m'avait-elle prévenu, c'est une classe très difficile, c'est le chambard continu et, en plus, elles n'ont jamais eu d'homme comme "maestro". Maestro, tu parles... Le mot m'avait fait rire. 

Je devais donc donné cours à ces jeunes filles, de huit heures à midi. À huit heures deux, je me remontais le moral en me disant qu'il n'y avait plus que trois heures cinquante-huit à tenir. Je remarquai tout de suite la grosse vache au fond de la classe, celle à qui j'aurais pu parler de n'importe quoi, que ça l'aurait intéressé autant qu'une otarie devant une page de Descartes. 

En fait, toutes ces jeunes filles faisaient ces études car elles rêvaient d'aller à Paris et de savoir comment on disait je t'aime en français et comment elles pouvaient draguer à Paris. Mais, Maestro, comment allez-vous  nous apprendre le français puisque vous ne parlez pas espagnol? Bonne question. Je leur fis comprendre qu'on allait échanger. Elles me parlaient espagnol, je leur répondais en français. Elles avaient ri. Plus que trois heures cinquante-six à tenir. Maestro, vous êtes marié? Je répondis que oui, parce que si j'avais dit que non mais que j'avais une compagne, ça aurait été mal vu. À midi, la directrice m'attendait devant la grille. Mais, monsieur, comment avez-vous fait? Je suis passée plusieurs fois devant la classe, pas un seul bruit!!! Je n'en reviens pas!!! Question de style, madame.

Le lendemain, je vis tout de suite qu'une jeune, physiquement remarquable je dois dire, avait oublié d'attacher son chemisier jusqu'au dernier bouton. Elle s'était levée pour m'apporter une mangue. C'est ma maman qui me l'a donnée pour vous. La classe avait éclaté de rire. Les autres filles s'étaient moquée d'elle. Oui, oui, ta maman, hahaha.

J'ignorais alors que la mangue était un fort symbole de ce que celles qui ne sont pas des hommes n'ont pas entre leur jambes. Les jours suivant, je dus me rendre à l'école avec un grand sac histoire de pouvoir ramener chez moi tout ce que les mamans donnaient à leur fille pour que le maestro puisse quand même bien manger. Mais je n'ai plus reçu de mangues.

Celle que je remplaçais me remplaça. Elle ne me dit plus jamais bonjour. Les jeunes étudiantes lui ayant demandé si le maestro reviendrait un jour parce que, avec elle, les cours étaient chiants. Le chiant, pour moi, c'est que j'étais, tous les midis, obligé de passer devant cette école et de les entendre crier "maestro, maestro? como estas"?

 

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Commentaires
M
Comment ça (?) "même avec l'accent de Marseille" (!!!)<br /> <br /> non mais ! <br /> <br /> :)
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