Comment je suis devenu journaliste VII
Ça commence à devenir une saga. Sans grand intérêt, certes, mais vous avez sans doute remarqué qu'aujourd'hui, ce qui intéressait les gens, c'étaient les choses sans intérêt. Regardez, par exemple, le tollé qu'a fait Depardieu sur la toile. Un journaliste l'a même vu en train de saluer une pute alors qu'il roulait sur son scooter!!! Vous imaginez le crime?
Par contre qu'Arnault planque son fric depuis des années en Belgique, peu de remous. Que du contraire. Il y a même des Belges qui trouvent scandaleux qu'on ne lui donne pas notre nationalité parce que cela rapporterait un peu d'argent dans les caisses vides de l'Etat! Parce que, pauvres idiots, vous croyez vraiment qu'il déclarerait ses revenus en Belgique ?Mais bon, je m'égare. Où en étais-je dans mon boulot de pute de l'époque?
Vint l'heure du deuxième gros accro. Je m'étais rendu à Herstal pour visiter l'exposition d'un peintre liégeois renommé, vous pensez Caroline de Monaco lui avait acheté une toile! Ça se passait dans les locaux d'une succursalle de feu le Crédit communal, une banque dans laquelle, en ces temps révolus, on pouvait faire encore confiance. J'avais dit tout le mal que je pensais de cette "exposition" dans le journal. Mais, toujours avec style. On avait bien ri. Trois jours plus tard, le journal recevait une lettre d'un avocat qui m'attaquait en diffamation et réclamait je ne sais plus combien, mais beaucoup, de milliers de francs en dommages et intérêts pour son pauvre client.
On avait bien ri aussi parce que la lettre de l'avocat, une seule page, comptait au moins cinquante fautes d'orthographe. C'était un canular. On n'avait donc pas répondu. Quinze jours plus tard, nouvelle lettre, plus menaçante cette fois, mais avec toujours autant de fautes d'orthographe. Il fallait aboslument réagir. Mon ami André Stas me dit, attends, je vais contacter Tom Gutt. Un avocat bruxellois très connu qui venait justement de gagner un procès retentissant contre la veuve Magritte. La réponse de Gutt fut assez brève. J'ai bien reçu votre courrier écrit dans un français pour le moins singulier. Si vous avez fait des études de droit, vous devez au moins savoir ce qu'est la diffamation. Par exemple, si vous attaquez monsieur Orban en diffamation, c'est que vous le considérez comme un délinquant potentiel. Ça, c'est de la diffamation. En conséquence, c'est moi qui vous attaque en justice pour le même motif". Le dossier fut ainsi clos. N'empêche que, trente ans plus tard, le peintre me hait toujours (je m'en fous) et prétend encore qu'il était parvenu à me couper les ailes suite au procès que j'avais perdu. Si ça peut faire du bien à sa conscience et à son ego, tant mieux pour lui.
Finalement, j'adore qu'on me déteste et je n'aime pas trop que l'on m'adore.
(à suivre, si toutefois cela vous intéresse)...