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Liège, hélas
30 décembre 2012

Les restos su coeur

C'était lors de l'hiver 85-86. Un hiver très froid. Glacial. C'était déjà la crise. Ma compagne d'alors était partie travailler au Mexique. J'ajoute le complément circonstantiel parce que j'aurais pu écrire plus précisément qu'elle était partie. Mais ça, je ne l'avais pas compris ou, plutôt, ne voulais pas le comprendre. C'est dire l'état d'imbécillité que peut atteindre un mâle. Même s'il n'en est pas vraiment un.

Je louais à l'époque une fort belle maison. Devenue bien trop chère pour une seule personne. Un ami, anarchiste dans l'âme me proposa de sous-louer la demeure pour m'aider. Vous voyez le genre de l'époque: on partage tout en deux, le loyer, le chauffage, le téléphone, les repas, patati, patata. Il ne me paya jamais le moindre loyer et ma note de téléphone avait triplé. Qu'importe. 

L'hiver fut glacial. J'avais à l'époque un autre ami, très cher, celui-là qui était autant dans la merde que moi. Il venait souvent chez moi. Nous dormions dans le même lit, tout habillés car il gelait même dans la chambre. On grapillait les fonds de tiroirs, puis ceux de poches. Un matin, tels deux clochards joyeux, nous étions allés chez le boucher, on avait retrouvé de quoi s'acheter deux tranches et lard et autant d'oeufs pour le petit-déjeuner. Le boucher, qui me connaissait, nous avait alors dit: allez, c'est bon, je double la commande et vous ne me devez rien... Après ce repas, nous avions décidé de nous rendre à midi au Resto du Coeur. On avait même pensé à y aller avec un magnum de champagne, mais c'était fin de mois et notre compte était à zéro franc.

Nous sommes donc allés au RdC une heure avant l'ouverture, histoire d'avoir une place. Il y avait déjà une longue file devant nous. De sorte que nous avions eu droit au deuxième service. Notre esprit provocateur s'était très vite éteint. Dans la salle, l'ambiance était lourde et silencieuse. Le repas était copieux. À ma gauche, il y avait un musulman. Dans l'assiette, pommes de terre, pois et carottes et... côte de porc. Je vous dis pas la tête de mon voisin. Dites, Monsieur, je suis certain qu'Allah vous pardonnera, si vous n'avez rien d'autre à vous mettre sous la dent... 

Le dessert consistait en une barre de chocolat. Dans la salle, il y avait une sexagénaire parée de quincaillerie hideuse. Après avoir mangé, elle alla faire le tour des tablées. Dites, Monsieur, si vous ne voulez pas le  chocolat... J'avais déjà donné le mien au musulman. Qu'importe, la femme en avait déjà récolté une vingtaine. C'est alors que le responsable des RdC se leva soudainement et arracha les barres de chocolat des mains de la dame. Et la pria de foutre le camp et de ne plus jamais revenir!

Il nous expliqua ensuite que cette chose venait manger tous les jours et... qu'elle revendait les barres de chocot aux autres salauds de pauvres... 

 

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