La procession
Ça devait être au mois de mai. Je ne me souviens plus, mais ça devait être au mois de mai parce qu'il y avait des pivoines. Et des roses aussi. Les petites filles étaient habillées "en dimanche" et portaient des paniers dans lesquels il y avaiit des milliers de pétales de roses. Et de pivoines aussi. La procession partait du parvis de l'église. Les petites files jetaient les pétales sur la route. Toutes les fenêtres du villages étaient garnies de bougies, de fleurs et d'une staue en craie du Christ ou de Marie. C'était à qui faisait la plus belle fenêtre. Le curé bénissait chaque maison. Avec de l'eau bénite. Je ne sais pas s'il avait puisé l'eau dans le bénitier où nous allions pisser.
La procession faisait tout le tour du village. Jusqu'au hameau de Somal. Les adultes étaient aussi facétieux que les garnements pisseurs de bénitier. Quand on arrivait à Somal, où les habitants étaient plus grenouilles que les bigotes, il n'y avait plus d'eau bénite. Les adultes donnaient alors au curé une bouteille d'eau de Spa, personne ne verrait la différence.Il y avait quelques stations où l'on chantait des Glorias ou autres choses de ce genre. Le chemin n'était peut-être pas de croix, mais il était long. Du moins pour les petites jambes des enfants. Je n'y ai jamais participé qu'une seule fois. Une année où il faisait gris, où il faisait froid. Les autres années, curieusement, j'étais malade. Enfin, pas vraiment, mais ça m'arrangeait bien.
La procession se terminait devant une "grotte de Lourdes" où le prêtre faisait une grande prière. Je ne sais pas qui avait érigé cette grotte, mais ça devait être un cousin du Facteur Cheval...
Cette grotte m'effrayait. Je devais passer devant tous les jours pour me rendre à l'école. Mais elle m'effrayait tellement que, bien souvent, le matin, je prenais le détour buissonnier pour ne pas la voir. Ce n'était pas un grand détour, deux centaines de mètres peut-être. Et puis, j'avais peut-être le chance d'entrevoir la fille du facteur dont j'étais secrètement amoureux du bas de mes sept ans.
Les enfants, qui sont tous des anges, se moquaient d'elle parce qu'elle s'appelait Martine, comme dans Martine à la plage, à l'école, etc... Je ne pouvais pas décemment être amoureux d'une fille qui s'appelait Martine.
Alors, le soir, quand je rentrais de l'école, je me fichais un peu moins de passer devant l'effrayante grotte de Marie.
Au moins pouvais-je lui tirer la langue. Du reste, je n'ai jamais été amoureux d'une Marie. Vu mon prénom, ça aurait été grotesque. Ça nous éloigne de la procession. Qui se terminait donc devant la grotte effrayante.
Mais la rédactrice en chef de ce blog m'a commandé un article sur le Paroceesion. Et, vous savez, les rédactrices en chef sont aussi d'autant plus effrayantes qu'elles sont rares. Alors, voilà...
Les enfants jetaient des pétales de roses et de pivoines dans la rue. Les fleurs n'avaient plus d'odeur. Et l'eau n'était guère bénite...