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Liège, hélas
23 octobre 2012

Li ptit banc

C'était le nom que mes parents avaient donné au petit café de village qu'ils avaient ouvert dans le Condroz. Un petit bistrot familial que même le curé recommandait à ses ouailles pour son honnêteté. Il faut dire que ma mère avait autant le sens du commerce qu'un amnésique celui de la mémoire. Si un client buvait plus que de raison, elle lui demandait de rentrer chez lui au moment où il offrait une tournée générale. Le nom du bistrot avait été choisi pour marquer l'origine liégeoise des propriétaires. C'était le titre d'un classique de la chanson wallonne liégeoise.

Je vous disais l'autre jour qu'il ne se passait jamais de grands événements dans ce petit village. Pourtant, en ce soir d'Ascension, tandis que tous étaient couchés, un voisin passant devant chez nous par hasard se mit à tambouriner à la porte. Rita! Djôsef! Vite! Li p'ptit banc était en feu! Ma mère nous conduisit chez la voisine. Quelqu'un sonna le tocscin à la cloche de l'église. En quelques minutes, tout le village était présent et faisait la chaîne pour remplir des seaux d'eau. On avait certes prévenu les pompiers, mais la caserne se situait à une trentaine de kilomètres de là. Si bien que, quand ils arrivèrent, l'incendie était éteint. 

L'habitation avait été préservée, mais du bistrot, il ne restait plus rien. Tous les verres étaient brisé, les 45 tours avaient fondu dans le juke-box. Le lendemain, le spectacle était d'une rare tristesse. Et puis, il y avait cette odeur de brûlé qui ne sortira jamais de ma mémoire et qui me revient encore lorsque je passe devant une maison incendiée. Le lendemain matin, j'allai fouiller dans les décombres. J'avais en effet une figurine de Bill (de la BD Boule et Bill) à laquelle j'étais très attaché. Je ne sais par quel miracle elle avait survécu au désastre, mis à part quelques petites brûllures. Je m'étais alors précipité dans les bras de papa en lui criant "papa, papa, Bill n'est pas mort" et je m'étais mis à pleurer comme un fou. Papa m'avait alors pris sur les genoux, m'avait dit de pleurer, que ça me ferait du bien mais que de toute façon, personne n'était mort, personne n'était blessé. Le reste, on reconstruira le café, ce n'est pas grave. Il avait un moral d'acier et un optimisme assez rare. Il fallut quand même plusieurs semaines, pluisurs moins pour reconstruire le café. Mais le coeur n'y était plus vraiment. Notamment celui de papa qui, quelques mois plus tard, fera le premier de la douzaine d'infarctus qui finiront par l'emporter quelques années plus tard.

Le village fit aussi preuve d'une grande solidartié. On parla de l'événement durant de longs mois, puis les choses séteignirent. Si j'ose dire. Mais pas l'odeur de brûlé. Mais pas l'odeur de brûlé...

 

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