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Liège, hélas
16 décembre 2010

Deux... à l'hôpital

Cette année, pas de maladie, pas de fractures ou autres joyeusetés de la vie. Non, je vais simplement me faire poser une pompe à insuline. Ce qui sous-entend des prises de sang régulières, même pendant la nuit. Pas bien grave, je ne dors presque pas. Le silence des neiges qui tombent m'assourdit. Plus des tas d'examens pour faire tourner l'usine. Ça passe le temps. Le reste du temps, c'est salle des pas perdus et l'occasion de croiser la misère du monde. À l'entrée, une vieille dame aux cheveux bleus ciel, reliée à un baxter fume une roulée tout en vidant plusieurs gala pils. Ses pieds assortis à sa chevelure et sa robe de nuit trouée et tachée de sang. Elle renifle. Crache par terre. Dans le fumoir interdit, nous sommes une douzaine. Deux septuagénaires en phase terminale qui semblent prendre cela du bon côté. Ils sont sympathiques. Me disent qu'ils ont eu une belle vie. Qu'il est trop tard pour arrêter la clope. Des sdf aussi, recueillis dans la rue avec une bonne double pneumonie. Enfin, ici, ils n'ont pas froid et peuvent manger. Même si, ici, manger est beaucoup dire... Un couple étrange. Tous deux amputés d'une demi-jambe. L'homme est hospitalisé dans le même service que moi. La femme regarde le mur en se penchant d'avant en arrière. Sans cesse. "Il faut rentrer à la maison". C'est sa seule phrase. Il lui répond "mais on n'a plus de maison". Le dialogue peut durer des heures. Toujours le même. La nuit, la femme la passe cachée dans les toilettes. Un jour, elle s'effondre en chiant dans le fumoir. Je ne l'ai plus revue. Son compagnon, entre deux cigarettes mendiées, me dit qu'il s'en fout complètement. Ce serait miracle s'il passe l'hiver. 

Une dame, grande, blonde, élégante. Ses deux enfants sont autistes. Des personnes la plaignent. Elle en profite pour se vanter et dire qu'elle fait soigner ses enfants en France, que ça lui coûte six mille euros par mois. Je préfère parler avec les sdf. 

Il y a aussi beaucoup d'enfants. Des Hevènne, des Linndsèèè, des Briannne. Des mères énervées. Dis, tu veux aller aux toilettes maintenant, il y a une heure tu voulais pas ! Allez, on y va, mais si tu fais rien, je te plonge la gueule dans le wécé, t'as compris?

Un couple jeune. Ils parlent pas français. Ils sont afghans. Une infirmière cherche quelqu'un qui parle arabe. Je lui dis qu'on ne parle pas arabe là-bas. Ah non ? Et la guerre, là-bas, c'est pas contre les Arabes peut-être ?

Une journée ordinaire. À 21 heures, on ferme les portes. Il n'y a plus qu'à compter les secondes de la nuit...

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