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Liège, hélas
4 février 2010

Gilles Deleuze

Des amis m'ont offert, pour la Noël, les trois DVD de l'Abécédaire de Gilles Deleuze. 

C'est là un témoignage qu'il faut regarder comme on lit un recueil de poèmes. Quatre ou cinq minutes, pas plus. Quatre ou cinq minutes après lesquelles on se sent serein, éclairé. Un bonheur pur.

Voici déjà près de vingt ans, mon plus vieil et meilleur ami avait consacré son "mémoire" de fin d'études universitaires à Gilles Deleuze. Il avait brillamment réussi. Le jury de l'Ulg lui ayant simplement fait remarquer "quelques faiblesses" dans la partie consacrée au temps. Pardon, au Temps.

J'avais passé plusieurs semaines à taper son travail. Nous n'avions pas d'ordinateur. Une antédiluvienne machine à écrire sur laquelle il fallait, à chaque fois, changer de marguerite quand il s'agissait d'écrire en italiques. J'avais retrouvé dans ma bibliothèque un exemplaire des malheurs de Sophie. À l'intérieur, quelques gravures avec une brève légende. Ces légendes collaient parfaitement aux intitulés des chapitres. Il fut vivement déconseillé à mon ami d'intituler son travail "Les malheurs de Sophie". Pourtant...

J'avais conseillé à mon ami d'envoyer son travail à Deleuze. Ce qu'il ne fit pas. Qu'à cela ne tienne, je l'avais envoyé moi-même. Un mois plus tard, Deleuze répondait à mon ami. Il avait lu avec attention son travail et, principalement la partie consacrée au Temps qu'il trouvait fort intéressante.

Une fois encore, l'Ulg avait démontré sa sagacité.

Je suis certain que mon ami a conservé cette lettre. Au contraire de son diplôme que nous avons retrouvé bien des années plus tard, dans le fond du coffre de sa voiture, tout imbibé d'huile de moteur écoulée d'un bidon renversé...

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